RIDEAU

Veuillez patienter, les vacances ne sont pas encore finies.

J'ai toujours une table aux dîners organisés par Scared of Boys, et à l'occasion de son anniversaire en comité restreint, elle m'a demandée si inviter mon ex N. me dérangerait. Non, sans hésiter.

La barbe sale, les yeux mi-clos après son travail de la nuit dernière, ses petits boutons rouges sur le visage dont on n'arrive pas à distinguer l'acné des effets du rasage, ses cheveux. C'est marrant parce qu'à l'époque de notre première rencontre, je ne l'avais pas remarquée. J'ai cru que je n'étais plus amoureuse de lui, mais j'ai rêvé de lui la veille du dîner comme dans mon sommeil suite à notre première rencontre. Sans son horrible polo Brice, le test aurait été concluant.

Parlons-en de ses cheveux. J'aimais tellement y passer mes mains pour le border ou m'agripper entre les mouvements de son bassin, et je détestais les voir sur le parquet après le chatiment de la tondeuse. Ce soir, mon meilleur ami m'avait accompagné, la musique d'ambiance était à chier, mais toute mon attention s'était tournée vers ces cheveux dont j'avais envie de caresser et de capturer leur odeur.

Ensuite, on n'a pas su y faire avec les banalités. Soit on se parlait sans se regarder, soit on se regardait sans se parler. Son regard est resté doux, il était excitant à mort. Pas de peine à comprendre qu'il était seul, pas prendre la peine de lui parler de Wolfpack, même en restant vague.

Je ne l'aimais peut-être pas vraiment, et lui non plus, mais il avait entre ses mains le réconfort et la douceur dont j'étais dingue. J'en n'ai peut-être pas fini avec lui.

Je pleure tout le temps, les raisons s'emmêlent. La fin proche des études, les comptes bancaires qui font la gueule, le concert génial de Radiohead mardi soir aux Arènes. Ou toujours les mêmes, les mecs. Des problèmes de sale gosse. J'essaye d'y voir plus clair à travers l'épais écran de fumée qui s'échappe de mes joints dont leur consommation a exponentiellement augmenté. La répartie du faible.

Etre fière d'apprendre à une hipster en carton que "Don't Believe The Hype" brodé sur les sacs et t-shirts en coton organique de-ma-chatte qui se balladent près du store Colette vient du meilleur album de Public Enemy.

Je mange de la purée. Je suis pas une fille à éplucher les patates, d'autant plus que j'ai fait mes ongles ce matin. Heureusement que Mousseline est là. Un peu de lait, un peu d'eau, tac-tac dans la casserole, on n'en parle plus, fin du jeu. Et je crois que les sachets sont périmés depuis plus d'un an. Mais j'ai à peine terminé mon assiette que j'attaque un Cornetto vanille chocolat. Il a beaucoup de cacahouètes. J'en ai recraché un, la langue perchée, qui est maintenant collé au plafond blanc. J'ai pris des piles de mon vibro rose. Je ne comprendrai donc jamais l'humour de Friends, ni la fascination pour Buffy qui a mal vieilli. Mya Frye bouge son cul rond et ferme comme ses fossettes refaites devant le nez de Cauet. Et dire que j'ai convaincu ma mère de ne pas résilier la TNT par Canal plus. Ma mère me manque, dansant dans son peignoir blanc sur Demis Roussos, malgré la gronde de la hotte, ses cheveux dans une serviette de bain sortie du linge sale, faisant relever les oignons. Ses plantes sont mortes.